LE FILM MIGNONNES (CUTIES) : ENTRE POLÉMIQUE ET HYPOCRISIE
Mon opinion personnelle? Je pense que toute la controverse (qu'il y'a eu) autour du film Mignonnes (Cuties) est une fausse polémique qui met en exergue l’hypocrisie de la société.
Revenons sur les faits:
Le mois dernier, Netflix avait partagé sur les réseaux sociaux l’affiche du film pour en faire sa promotion. L’image choisie était choquante, provocante et inappropriée. Un coup pub de marketing réussi qui a fait l’effet d’une bombe. Il n’a fallu que 5 minutes avant de voir la réaction prévisible d’internautes scandalisés. Les tweets à coups de hashtags #CancelNetflix et autres pétitions partagées et signées par des milliers de personnes pour demander le retrait de ce film sur la plateforme n’en finissaient plus. Le cerveau était mis sur pause pendant que le cataclysme d’Internet s’opérait.
De quoi parle le film? Amy, 11 ans, la protagoniste, grandit dans trois cultures. Celle de la foi musulmane de sa famille, celle de la société française occidentale, et celle des réseaux sociaux. Elle vit des chamboulements dans sa vie de jeune fille : nouvel appartement, nouveau collège, l’annonce de la deuxième femme de son père qu’elle peine à assimiler. C’est timidement qu’elle fait ses premiers pas dans son école où elle y découvre tout un autre monde, dont une bande de filles qui se font appeler « Mignonnes ». Elles sont cool, sympas, populaires et décomplexées. Tout ce qu’elle n’est pas. Amy se laisse influencer par ce qu’elle voit et veut faire partie de cette clique. Elle perçoit cette chose qu’est la sexualité comme une échappatoire. Une échappatoire à ce qu’elle vit à la maison. Elle et ses amies imitent ce qu’elles voient sur son téléphone sans forcément être conscientes de la gravité de leurs actions. Les parents n’ont aucune idée de ce qui se trame dans la vie de leurs jeunes filles.
À un moment donné dans le film, on peut apercevoir Amy pendant la prière se cacher sous son voile pour regarder sur son téléphone une vidéo de femmes en string qui twerkent.
Les phénomènes de la sexualisation et de l’hypersexualisation ne datent pas d’hier. Des années 2000, je me rappelle du clip de Dirty de Christina Aguilera (2005). Lady Marmalade sortait en 2001, le tube « Voulez-vous coucher avec moi? » qui est certainement tombé dans l’oreille d’une gamine de 11 ans à l’époque. Aujourd’hui, le mouvement TikTok, la culture WAP normalisent certains comportements qui peuvent s’avérer néfastes pour les pré-adolescents et les adolescents. L’avènement du téléphone intelligent avec les réseaux sociaux n’a fait qu’accentuer et répandre ce phénomène dans une société qui prône que la valeur d’une femme est son corps. Les victimes ici sont nos jeunes qui ont un accès facile à la sexualité sous toutes ses formes. Combien de parents savent ce que leurs enfants font dans leur chambre une fois la porte fermée et le téléphone en main?
Le problème est que peu de personnes ont pris la peine de voir la bande d’annonce au complet et d’écouter les entrevues de la réalisatrice Maïmouna Doucouré qui explique les raisons de ce film, avant de la crucifier sur la toile, l’accusant de vouloir normaliser la sexualité chez les jeunes filles et de promouvoir la pédophilie ainsi que l’islamophobie.
Le fait que les gens soient aussi offensés par ce film, mais likent des vidéos similaires tous les jours sur Instagram et TikTok est de l’hypocrisie à son paroxysme.
Mais derrière toute cette controverse, il y a aussi la question fondamentale suivante : quel genre d’art cinématographique voulons-nous voir sur nos écrans? Les opinions divergent essentiellement sur deux choses. D’une part, cet art ne devrait absolument pas reproduire les sujets problématiques de la société et devrait se concentrer à montrer des modèles positifs à la place, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants. Et d’autre part, ce type de film est nécessaire pour provoquer, dénoncer et nous responsabiliser.
Selon moi, si on n’en parle pas, c’est comme si le problème n’existe pas. Le film reflète la société dans laquelle nous vivons et évoluons.
Ce film est le résultat d’une prise de conscience et a pour but d’alerter l’opinion publique. La réalisatrice Maïmouna Doucouré disait dans une entrevue qu’elle s’est inspirée d’une expérience dont elle a été témoin, de sa propre expérience culturelle bifurquée à mesure qu’elle est arrivée à maturité, des recherches sur les effets de la sexualisation des filles et des femmes et sur l’impact des réseaux sociaux sur les jeunes. Elle utilise également des angles de film pour mettre le téléspectateur dans des positions malaisantes et inconfortables. Une scène frappante est celle où Amy se met à danser en faisant des poses suggestives et en essayant d’être sexy, puis la scène se termine par un zoom arrière d’un portable. On se rend alors compte que son amie filme la scène pour les réseaux sociaux. Dans la réalité, cette scène pourrait très bien se retrouver dans notre fil d’actualité sur Instagram ou Facebook.
La pornographie sur Internet est peut-être la pire influence culturelle sur les mineurs aujourd’hui. D’après certaines recherches en sociologie, l’âge moyen d’un enfant qui regarde des images pornographiques sur Internet pour la première fois se situe entre 8 et 12 ans. Aujourd’hui, nos jeunes enfants sont hyper connectés et si nous n’avons pas de discussions avec eux, c’est Internet qui le fera. Et si nous attendons jusqu’à leurs 14 ans, en tant que parents/adultes, nous arrivons sans doute trop tard.
C’est ce que tente de mettre en lumière ce long métrage.
Tout au long du film, nous sommes confrontés aux deux pôles extrêmes de la féminité et du féminisme. Maïmouna Doucouré a fait ce film pour exposer les conséquences de la sexualisation précoce et ce qui arrive aux jeunes filles. Si Amy s’habille de manière conservatrice, elle est prude et invisible. Si elle s’habille de manière provocatrice, elle est une « pute ». En tant que femmes, nous vivons ce dilemme tous les jours.
Si le film vous met mal à l’aise, alors Maïmouna Doucouré a réussi son pari. C’est une manière de dire : « Bienvenue à bord. Commençons la conversation. Cela va être épineux et délicat. Nous pouvons l’interdire, le bloquer, le déplorer et être choqué, mais ce que nous devrions faire, c’est dénoncer les dérives de la société, se poser des questions sociétales fondamentales et reprendre le contrôle. C’est notre responsabilité. »
Black Milk Women est un journal de vie basé à Montréal. À travers les récits et expériences, nous voulons encourager les femmes à devenir qui elles sont et être une source d'inspiration. Black Milk Women est aussi un espace de partage pour aider les femmes aspirantes à améliorer leur quotidien, façonner leur caractère unique pour vivre une vie pleine de sens et d'abondance.
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