DOCUMENTAIRE « APATRIDES » : LUMIÈRE SUR CES CITOYENS FANTÔMES D’ORIGINE HAÏTIENNE EN RÉPUBLIQUE DOMINICAINE
C’est aujourd’hui que sort dans les salles, au Cinéma du Parc et du Musée, Apatrides un documentaire réalisé par la cinéaste haïtiano-québécoise Michèle Stephenson.
Alors que nous vivons actuellement dans une période de crise qu’elle soit sanitaire, humanitaire, environnementale ou politique, Apatrides ne déroge pas à cette crise chronique. Ce documentaire nous plonge au cœur de la haine raciale et lève le voile sur l’oppression institutionnalisée qui divise Haïti et la République Dominicaine.
Tout au long de ce documentaire, nous suivons le parcours de Rosa Iris Diendomi Alvarez, avocate, organisatrice communautaire et militante qui mène la lutte auprès des familles dominicaines d’origine haïtienne pour obtenir les droits qui leur sont refusés, notamment l’accès à la citoyenneté. Son envie impérieuse de changer les choses ne s’arrête pas là, Rosa se porte candidate à la députation. Lors de sa campagne électorale elle va à la rencontre des populations pour engager le dialogue.
Vous entendrez également l’histoire de Juan Teofila, Dominicain d’ascendance haïtienne et apatride, contraint de quitter la République Dominicaine en laissant derrière lui ses deux enfants.
L’envers de la carte postale
D’un point de vue touristique, la République Dominicaine située au cœur de la Caraïbe est une petite ile paradisiaque bordée de sable fin et d’eau turquoise. Au-delà des palmiers, du soleil et d’une image édulcorée de l’ile se cache une réalité bien plus sombre qui témoigne une grande complexité tant sur le plan social qu’historique.
Pour comprendre le monde d’aujourd’hui il faut connaitre l’histoire. L’île qu’occupent Haïti et la République dominicaine, appelée Hispaniola, possède une histoire riche et un passé lourd marquée par une période de colonisation. L’histoire d’Hispaniola ne se limite pas uniquement à ses frontières physiques, mais se combine également à celle de deux continents : l’Afrique et l’Europe.
En 1937, le dictateur dominicain Rafael Trujillo Molina, adepte des théories que l’on peut qualifier de nazies et fascistes a fait massacrer plus de 20 000 Haïtiens et Dominicains d'ascendance haïtienne dans le but de “blanchir la race”. Le racisme n'a malheureusement pas disparu à sa mort et le sentiment de xénophobie est toujours aussi palpable.
Les conséquences de l’esclavage, la colonisation et puis les retombées de la migration haitienne en République Dominicaine a fait naître ce phénomène d’anti-haitianisme.
Des citoyens fantômes
Jusqu'à la Constitution de 2010, le droit du sol était en vigueur en République Dominicaine. Le 26 septembre 2013, la Cour constitutionnelle de la République Dominicaine décide du retrait de la citoyenneté à toute personne ayant des parents haïtiens, avec effet rétroactif jusqu’en 1929. C’est ainsi que plus de 250 000 personnes d’ascendances haïtiennes déchues de leur nationalité dominicaine se sont retrouvées du jour au lendemain apatrides, démunies et livrées à elles-mêmes.
Cette décision a brisé des vies et séparé des familles. La réalisatrice, Michèle Stephenson, met en lumière ces gens invisibles en présentant également le contexte historique qui s’appuie sur un système de caste raciale.
Par opposition de la militante Rosa, le documentaire présente Gladys, une ultranationaliste qui manifeste pour le nationalisme de la République Dominicaine et la déportation d’immigrants Haïtiens.
Les noirs contre d’autres noirs
Ce qui semble invraisemblable c’est d’entendre les ultranationalistes tenir des propos hostiles envers le peuple Haïtien, compte tenu de l’histoire partagée. Selon Michèle Stephenson « c’est plus compliqué qu’un racisme, car il s’agit pour moi de Noirs contre d’autres Noirs ». En donnant la parole aux ultranationalistes, Apatrides dépeint un portrait réel des tensions existantes et de la situation sociale et économique, notamment à la frontière et dans les “bateyes” construits en périphérie des grandes et riches compagnies sucrières du pays.
Interrogées sur la situation en République Dominicaine et les relations qu’elle entretient avec Haiti, plusieurs femmes montréalaises d’origine haïtienne font justement le choix de ne pas voyager en République Dominicaine en raison de la persistance de sentiments xénophobes envers les personnes (haïtiennes) ou d’origine haïtienne. Selon elles, c’est un moyen de montrer leur solidarité.
Notre avis :
Un documentaire teinté d’incertitude d’un côté et de désinvolture de l’autre, nous émergeons dans la vie de ces milliers d’apatrides comme Juan. Le spectateur viendra voir ce documentaire pour connaître le destin d’un apatride et le combat qu’il mène au quotidien pour pouvoir simplement exister et être auprès de sa famille. Une réalité que l’on ignore et dont la cinéaste se fait le devoir de narrer afin de mettre en lumière les conséquences et les retombées de l’esclavage et de la colonisation.
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